La Parenthèse du Retour.


Un moment un peu spécial que cette parenthèse du retour : en effet, nous ne sommes plus réellement sur le chemin puisque nous ne marchons (presque) plus, et pourtant, nous ne sommes pas revenus encore dans notre vie d'avant. Nous errons dans une sorte de champ gravitationnel figé où les notions temporelles ont disparues : c'est assez curieux comme sensation...

Pour ceux qui ont suivi, inutile de préciser que nous rentrons en bateau ! Car oui, pour les pèlerins habitant le grand-Ouest de la France, c'est sans doute le meilleur compromis qualité-prix-confort sur le marché, comparé au train, bus, ou avion. Et cette idée de rentrer en bateau nous avait séduit bien avant notre départ sur le chemin. Et comme nous ne voulions pas nous prendre la tête avant l'arrivée au terme de notre périple, nous avons attendu d'être à Santiago pour s'occuper du retour en France.

Bien entendu, il nous a fallu faire un petit rallye en bus pour rejoindre le port de Gijón...

Tout d'abord, comme nous étions à Fisterra, nous avons pris un bus pour nous ramener à Santiago : c'est relativement simple et peu onéreux. Il y a plusieurs liaisons par jour et nous avons pris le bus de 9h30 : je précise qu'il est possible de payer directement au chauffeur, ce que nous avons fait. Le prix est de l'ordre de 12 €/personne et il faut compter environ 3 heures de trajet. Nous étions, ce matin là, une bonne trentaine de pèlerins à retourner sur Santiago. Le bus suit la côte et le soleil ayant décidé de se lever, les paysages du bord de mer se sont révélés sublimes ! Trois heures, c'est assez long pour le peu de kilomètres à parcourir, mais le bus multiplie les arrêts, les pauses, ceci expliquant cela...
Enfin, avec quelques minutes d'avance, nous arrivons à la gare routière de Santiago, vers 12h15. Nous nous mettons directement à la recherche d'un bureau ALSA (société de bus et non pas des desserts !) pour réserver deux places sur le prochain bus à destination de Gijón. Le prochain part à 16h00 et nous avons nos places numérotées et réservées (45 €/personne et environ 5 heures de route)...
Nous avons donc trois bonnes heures devant nous, que nous mettons à profit pour manger et boire un peu car il commence à faire chaud : 26/27 °C !!!

A 15h30, nous sommes déjà sur le pied de guerre à la gare routière : il ne s'agit pas de manquer le bus !!! A l'heure dite, munis de nos billets, nous grimpons dans "notre" bus grand luxe : climatisation, sièges grand confort, toilettes, frigo avec des bouteilles d'eau à disposition...
Pour l'instant, tout se goupille bien et notre inquiétude repose maintenant sur notre arrivée à Gijón, normalement vers 21h00, car nous n’avons pas de point de chute sur place... Tout s'est fait à "l'arrache" sans réservation ! Dans 5 heures, nous serons fixés sur le bien-fondé de notre dilettantisme organisationnel, mais exceptionnel...

Ce trajet est assez monotone. Heureusement que le bus est à moitié vide (ou à moitié plein) et que nous disposons de pas mal de place entre les sièges ce qui rend le voyage, somme toute, supportable. L'inquiétude grandit au fil du temps, au fur et à mesure de l'avancée du bus : La Corogne, Avilés et surtout Oviedo, dernier arrêt avant le terminus... Le temps se gâte et la pluie menace, si bien qu'à l'entrée du bus dans Gijón, il fait déjà presque nuit !!! En arrivant près de la gare routière, nous prenons chacun un côté de rue et nous recherchons les hôtels... A l'arrêt du bus, nous sautons, non pas sur une mine, mais hors du véhicule quand soudain CompostElle aperçoit un panneau publicitaire "Hôtel" à 50 mètres ! Nous suivons donc les indications, les 50 mètres se transformant en 200 mètres au moins, et je me précipite sur le guichet avec ma phrase bien préparée en anglais : "One room for two persons, Please !" Et la réceptionniste me répond avec un sourire rassurant : "Si, si !". Ouf, nous ne dormirons pas dehors cette nuit...
Nous continuons la conversation en français car la fille de l'accueil est née en France, en Alsace ! Prix : 35 €/2 personnes avec douche et WC... le nom de l'hôtel  : "Avenida".

Nous nous promenons donc deux jours dans Gijón : la vieille ville et la colline de Santa Calina où trône l'"Elogio del Horizonte" œuvre monumentale du sculpteur basque Eduardo Chillida. Un magnifique point de vue de cette colline, sur le Golfe de Gascogne, les plages et notamment celle de San Lorenzo, les ports.  


L'Elogio del Horizonte.

A quatre kilomètres de l’hôtel, se situe le port "El Musel" et dans la zone portuaire se trouve le terminal où nous devons embarquer le jeudi 5 juillet 2013. Nous reconnaissons les lieux jusqu'à l'entrée de la zone portuaire, mais pas au delà car le planton de service nous en interdit l'accès : il faudra revenir demain vers 18h00, pour un départ prévu à 19h30... D'ailleurs, le personnel du port n'est plus surpris de voir des piétons avec sac à dos (des pèlerins) prendre le bateau pour Nantes-St Nazaire ! Ce mode de transport rencontre un franc succès auprès du public, sans doute grâce à une offre très concurrentielle : par exemple pour nous deux, en cabine avec vue sur l'océan, départ à 19h30 et arrivée à 12h00 le lendemain = 220 € (soit 110 € par personne). Et en plus, le fait de pouvoir dormir tranquille est pour nous, un plus incomparable.

Dommage que pendant ces deux jours d'attente, la météo ne soit pas (encore une fois) de la partie ! Avoir toutes ces plages à disposition et ne pas pouvoir se baigner, c'est un peu rageant... L'air est à 19°C au meilleur de la journée et le vent qui souffle du nord renforce cette idée de froid ! La réceptionniste de l'hôtel nous a même indiqué que le nord de l'Espagne n'avait pas connu une météo aussi mauvaise depuis 1836 !!!

Dans nos divagations asturiennes, nous tombons sur une signalétique bien connue : en effet, Gijón se trouve sur l'itinéraire du Camino del Norte ! Par contre, nous n'avons pas vu de pèlerins...

Balisage du Camino del Norte

Puis, la délivrance, le ferry est là :

Le Norman Asturias nous attend !


Mais, il nous faudra patienter avant de monter à bord car l'organisation espagnole est comment dire... bordélique !!! A tel point qu'avec les passagers présents, nous nous demandons si nous allons réussir à embarquer... Cependant, une fois tous les véhicules chargés, ils se rappellent qu'il y a des passagers-piétons bien sagement parqués dans une salle d'attente.

Finalement, quand le bateau part, il est un peu plus de 20 h ; nous avons pris possession de notre cabine au confort assez rudimentaire mais, comparé à certains gîtes empruntés durant ces deux derniers mois, cela nous convient parfaitement, surtout que nous aurions pu aussi, pour ce retour, nous retrouver dans un wagon ou un bus bondé pendant une bonne vingtaine d'heures...

Nous faisons un saut à la cafétéria avec vue panoramique sur la mer et CompostElle se sent d'un coup pas très bien : le roulis du navire lui donne le mal de mer ! Nous ne trainons donc pas très longtemps à table et redescendons dans la cabine. Le moteur du bateau est relativement sonore mais c'est un bruit sourd et régulier, ce qui nous changera des ronfleurs rencontrés sur le Chemin...

La nuit fût bonne, bercé par les vagues et le ronronnement mécanique du ferry, à tel point que nous avons failli rater l'arrivée à St Nazaire !!! J'exagère à peine, nous allons prendre notre petit-déjeuner vers 10 h et nous entrevoyons déjà au loin, les côtes françaises. CompostElle va mieux, le mal de mer s'étant estompé quelque peu.

Le temps de redescendre à la cabine et de faire une dernière fois nos sacs, avant de remonter sur le pont, et nous sommes en vue du majestueux pont de St Nazaire. Il est environ midi lorsque nous accostons sous une chaleur moite... Les formalités pour débarquer sont beaucoup mieux organisées qu'hier et c'est pas pour nous déplaire.

Nous ne regrettons pas notre décision de rentrer en bateau, bien au contraire, cela nous a permis de bien nous reposer, de ne pas affronter la promiscuité des transports en commun, de conserver une certaine quiétude proche de celle rencontrée sur le chemin, de passer encore un temps à deux (que nous deux) pour bien se rendre compte que nous y sommes arrivés, oui, aussi incroyable que cela puisse paraître, nous avons réussi ce pari un peu fou !!!

Une fois à terre, au loin, une tête familière apparait : la maman de CompostElle est là, qui nous attend à côté de sa voiture, pour nous ramener sur le chemin de la vie "NORMALE". Retrouvailles, resto et cette douce parenthèse du retour peut se fermer tranquillement. Place maintenant au tourbillon, non pas médiatique, mais familial : raconter deux mois de périple en quelques heures, les moments de découragements, les moments de bonheur et partout, des interlocuteurs ébahis, admiratifs, fiers de nous... Nous essayons de rester humbles en martelant que si nous l'avons fait, tout le monde peut le faire : il n'y a que le premier pas qui coûte, après tout s'enchaine...

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire